Les colorants et leurs mystères

Pourquoi utiliser les colorants ?

 

 

Les colorants font l'objet de nombreux terrains d'utilisation :

 

- La teinturerie (teindre des tissus et fibres textiles)

- L’alimentation (ajouter de la couleur à une denrée alimentaire)

- En biologie (lors d’observations microscopiques afin de révéler les constituants particuliers d’une cellule)

- En chimie (suivre l’évolution d’une réaction chimique)

 

Nous nous intéresserons particulièrement aux colorants alimentaires. En effet, de nos jours, plus de 80% des aliments que nous achetons dans nos supermarchés sont transformés et contiennent des colorants.

 

Lors d'une émission diffusée sur France 5 le 22 juillet 2015, sur le thème "Les colorants alimentaires, pourquoi les utiliser ?", Muriel Jacquot, co-auteure de La couleur des aliments (éditions Lavoisier) et fondatrice de Myrissi (cabinet d’expertise en communication sensorielle), explique les raisons de l’utilisation des colorants dans notre alimentation à la quotidienne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Analyse d'une rencontre

 

La Quotidienne : Depuis quand les industriels utilisent-ils des colorants alimentaires ?

Muriel Jacquot : De tout temps, on a toujours voulu préserver la couleur naturelle des aliments et ces couleurs sont très souvent détruites par les procédés thermiques utilisés dans l’industrie agroalimentaire. On a commencé en utilisant des épices puis l’arrivée des colorants de synthèse a permis de faire évoluer la palette de teintes.

 

Son utilisation a-t-elle évolué ces dernières années dans l’agroalimentaire ?

La dernière tendance que l’on constate suite à des études faites sur une potentielle toxicité de ces substances est un certain retour au naturel, voire à l’absence de recoloration des produits transformés. Les industriels sont moins en recherche de couleurs, ce qui n’était pas du tout le cas il y a quelques années. La tendance est à l’authenticité, certains sirops transparents ont d’ailleurs vu le jour, ce qui aurait été impensable avant.

 

Quel est l’impact de la couleur d’un aliment sur le consommateur ?

La couleur est le premier élément qui va vous donner envie ou non de le consommer. Si la couleur d’un aliment n’est pas appropriée, alors on ne le consomme pas. C’est un phénomène inconscient et automatique, le consommateur évalue l’acceptabilité du produit avec ses yeux. Cette interprétation spontanée n’est d’ailleurs pas toujours juste mais c’est une réaction universelle que de chercher à se rapprocher au plus près de ses repères. Il y a d’ailleurs des codes couleurs communs à tous, par exemple un fruit rouge foncé vous renverra automatiquement l’image d’un produit plus mûr et donc plus sucré.

 

Comment les industriels choisissent-ils la couleur de leurs produits ?

Principalement en essayant de s’approcher au maximum de la couleur naturelle de l’aliment, excepté pour les friandises où l’on cherche justement à se démarquer avec la couleur. Il n’y a pas de règles, même si certaines couleurs sont plus utilisées que d’autres. Le bleu, par exemple, est le couleur la moins alimentaire. Si l’on vous propose demain une baguette de pain bleue, je peux vous garantir que ça ne va pas marcher ! Le pain sera toujours doré, on ne peut sortir de cette gamme de coloris. Si l’on s’éloigne trop de la couleur authentique, on risque d’ailleurs le rejet.

 

La vision des couleurs de nos aliments est-elle faussée ?

Oui, nos repères sont faussés. Le jambon naturel est généralement rouge foncé alors que ce coloris sera plutôt synonyme de périmé pour le consommateur. Nos repères en termes de couleurs ont peu à peu glissé à cause des industriels, et ce serait très long de refaire l’éducation des consommateurs. La question se pose d’ailleurs actuellement avec ce retour à l’authentique. On se demande si une rééducation serait nécessaire ou si l’on continue ainsi. Mais c’est certain que ce changement n’est pas près de s’opérer immédiatement !

 

Peut-on alors réellement se passer de colorants ?

Quasiment tous les produits alimentaires contiennent des colorants. Le secteur de la boucherie-charcuterie souffre d’ailleurs actuellement de ces changements car en baissant la présence de sel et autres additifs dans leurs produits, la couleur de ceux-ci change et ne correspond plus aux repères que s’en faisaient les consommateurs. Beaucoup d’industriels optent d’ailleurs pour des jeux de lumière afin d’éviter les colorants dans les fruits et légumes, par exemple. Mais il faut savoir que le transfert de sensation est universel et constitue entre 60 et 70 % de la notion de plaisir !

 

Analyse :

Les hommes donnent une grande importance aux colorants alimentaires. Ainsi l'aspect esthétique des aliments affecte, dans une certaine mesure, la vente des produits. Des enquêtes ont montré que la couleur de l'aliment influe fortement sur le goût que perçoit le consommateur. En effet, ceux-ci préfèreront acheter une tomate bien rouge plutôt que légèrement tachetée de vert. Ce qui est vrai même si le goût n'est pas modifié par la couleur des aliments. D'un point de vue nutritionnel, l'usage des colorants alimentaires n'est généralement pas nécessaire.

En fait, dans certains cas, ils sont utilisés pour abuser le consommateur en donnant une fausse impression de qualité (par exemple, lorsqu'un colorant jaune est ajouté aux pâtes ou aux gâteaux pour faire croire à une plus grande quantité d'œufs qu'il y a véritablement). Les colorants ont pour but d'améliorer l'aspect des aliments. Ils permettent de palier une perte de coloration pendant la production, de colorer des aliments incolores et de renforcer une idée gustative spécifique (comme dans la confiserie, le vert ou le jaune pour le goût citron...). Ils compensent également les variations saisonnières : par exemple, le beurre n'est jaune qu'en été, alors qu'en hiver, il est jugé trop pâle par les industriels qui lui ajoutent un colorant jaune, le ß-carotène.

L'utilisation de ces colorants alimentaires reflète nos habitudes alimentaires et notre société de consommation : repas rapides sortant du congélateur, désir de consommer des produits "exotiques" en toutes saisons, etc. Habitués à manger du beurre jaune et des glaces à la pistache colorées en vert, les consommateurs sont souvent déconcertés devant des couleurs inhabituelles, même naturelles comme celle des pommes de terre "vitelotte noire" dont la chair est d'un beau violet.

 

CONCLUSION DE LA SOUS-PARTIE :

 

Les colorants semblent alors être indispensables à l'industrie agro-alimentaire afin de rendre ses produits attrayants pour le consommateur. En effet, un industriel ne cherche pas forcement à finaliser un produit naturel, sans colorant, de couleur originelle, comme il l'est dans la nature. Il cherche plutôt à vendre coûte que coûte son produit afin que cela lui rapporte le plus d'argent possible, sans se soucier des conséquences sanitaires que les colorants peuvent engendrer. Cependant, si les mentalités des clients changeaient, en ces temps de tendance au "sans colorants et sans conservateurs", les industriels pourraient certainement se passer de tous ces additifs inutiles, et peut-être même dangereux ! On cherche alors à prouver, après la lecture de cette interview, si les colorants changent vraiment la perception du goût des consommateurs...